Dénutrition des personnes âgées : les solutions pour prévenir et lutter contre

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HÔPITAL UNIVERSITAIRE EMILE-ROUX

Les solutions de l’hôpital Émile Roux pour prévenir et lutter contre la dénutrition des personnes âgées

La dénutrition concerne une large proportion des patients âgés fragilisés par les modifications physiologiques liées au vieillissement, à la dépendance ou aux troubles cognitifs.La dénutrition peut entraîner une sarcopénie (déficit de la masse et de la force musculaire), accroît la perte de mobilité, et augmente entre autre les risques de chute.

La Haute Autorité de Santé (HAS) évalue la prévalence de la dénutrition protéino-énergétique de 4 à 10 % chez les personnes âgées vivant à domicile, de 15 à 38 % chez celles vivant en institution et de 30 à 70 % chez les patients âgés hospitalisés.

Depuis plusieurs années, l’équipe Locale Alimentation Nutrition (ELAN) de l’hôpital Émile Roux, sous l’égide du CLAN du Groupe Hospitalier Henri Mondor, réunissant équipes médicales, diététiques et restauration conduit une politique de lutte contre la dénutrition des patients âgés hospitalisés. Son président Amaury BROUSSIER, Gériatre, Praticien Hospitalier à l’hôpital Émile Roux nous fait part de son expérience

Dr Amaury BROUSSIER

Dr Amaury BROUSSIER, Gériatre, Praticien Hospitalier

– Comment évalue-t-on l’état nutritionnel d’un patient ?

Dr. Amaury BROUSSIER. Les dernières recommandations HAS pour le dépistage de la dénutrition datent de 2007 et commencent à être un peu anciennes. Les modalités de dépistage ont peu évolué et soulignent l’importance d’identifier les patients âgés à risque de dénutrition (voir ci-dessous) Les modalités diagnostiques reposent sur une perte de poids = 5% en 1 mois, ou = 10 % en 6 mois, un IMC < 21, une albuminémie < 35 g/L, un MNA global <17.
Les recommandations Européennes plus récentes se basent uniquement sur des mesures anthropométriques ; la littérature montrant que l’albumine n’était pas un bon reflet de la masse maigre des patients, mais plutôt un simple marqueur pronostique. Ces recommandations introduisent également le critère de diminution de la masse maigre.
Cette mesure et cette différenciation entre les compartiments musculaires, graisseux, hydriques, et minéral osseux à l’aide d’une balance à impédancemétrie ou d’une absorptiométrie biphotonique (DEXA) semble être le meilleur outil actuel, mais il n’est malheureusement pas toujours disponible.
Ainsi, Il est très important de surveiller le poids des patients, régulièrement en ville lorsqu’ils sont en situation de stabilité, plus fréquemment chez les patients institutionnalisé (1 fois par mois) et de façon rapprochée lors d’une hospitalisation (1 fois par semaine en UGA, et une fois tous les 15 jours en SSR).

– Comment survient une dénutrition chez une personne âgée ?

Dr. Amaury BROUSSIER. La dénutrition correspond à un déséquilibre entre les apports et les besoins de l’organisme (définition HAS). Elle se caractérisera par une perte de la masse musculaire avec des conséquences, entre autres, fonctionnelles.
Un certain nombre de situations seront particulièrement favorables à l’installation de cette dénutrition : isolement social, évènemement aiguë, hospitalisation, polymédication, troubles bucco dentaires, troubles cognitifs, troubles de déglutition, régimes restrictifs, dépendance, syndrome dépressif.
Ces différentes situations survenant sur un terrain déjà fragile seront donc le terreau de l’installation de la dénutrition protéino énergétique.

– Pourquoi est-il important de lutter contre la dénutrition ?

Dr. Amaury BROUSSIER. La dénutrition est associée significativement et de façon indépendant à une augmentation de la mortalité aussi bien en ville qu’ à l’hôpital. Certaines études montrent une multiplication de la morbidité par 4 et de la mortalité par 6.
La dénutrition est également associée à une augmentation de la durée de séjour hospitalier, à la survenue d’infections nosocomiales, d’escarres, de chutes, de fractures et d’installation de la dépendance.
Cela explique pourquoi la prise en charge de la dénutrition doit être considérée comme un soin à part entière et doit être remise au centre de la prise en charge du patient âgé.

– Quelles sont les principales pathologies pour lesquelles les médecins hospitaliers demandent l’intervention d’un(e) diététicien(ne) ?

Dr. Amaury BROUSSIER. Un certain nombre de pathologies sont à forte implication nutritionnelle et nécessitent l’intervention du diététicien dans la prise en charge. En somme, il s’agit de toute situation pouvant diminuer les apports alimentaires, ou augmenter les besoins énergétiques (cancers, les défaillances d’organes chroniques (Insuffisance cardiaque…), pathologies à l’origine de malabsorption, alcoolisme chronique, pathologies infectieuses, pathologies inflammatoires chroniques).
Le rôle des diététicien(ne)s est alors fondamental dans la prise en charge. Comme les rééducateurs, ils (elles) interviennent sur prescription médicale, et ont un rôle clé dans la mise en place du programme nutritionnel le mieux adapté à chaque patient.
Car il s’agit bien là d’une analyse complète prenant en compte les données cliniques/anthropométriques corrélées aux consommations (ingesta), fluctuations de poids, habitudes, aversions, texture, etc.

FOCUS : Le plaisir contre la dénutrition

Le service restauration de l’hôpital Emile ROUX, est engagé depuis plusieurs années dans l’élaboration de plats spécifiques pour les personnes âgées, dont l’élaboration de menus enrichis en protéine (dont le menu sénior ou pulsé 1 fois par semaine), de gratin dauphinois, de hachis Parmentier, sans oublier les crèmes enrichies de type « entremet ».

Au menu de 2018 sont venus s’ajouter des potages enrichis. Après concertation auprès des patients et des professionnels des services de soins, orientation a été prise de trouver une alternative aux potages industriels jugés de qualité peu satisfaisante et aux potages diététiques peu appréciés des patients. Associé aux équipes médicales, paramédicales et de diététique, l’équipe de la restauration a imaginé une recette satisfaisant toute une série de critère tant du point de vue du goût que de la texture, de la qualité des ingrédients, de la stabilité du produit que, bien entendu du taux d’enrichissement.

L’expérimentation concerne actuellement les 4 unités de gériatrie Aigue et 2 unités de Soins de Suite et Réadaptation, soit une production de 150 parts quotidiennes. Les trois variétés les plus populaires ont été retenues : carotte, potiron, et légumes verts (haricots verts, petit pois).

 

Pascal Loye

Pascal Loye, ingénieur hôtellerie restauration

Pascal Loye est ingénieur hôtellerie restauration du Groupe Hospitalier Henri Mondor. Il est responsable de la cuisine de l’Hôpital Emile Roux qui produit sur site chaque jour près de 3000 repas élaborés à partir des profils alimentaires de chaque patient (prenant en compte ses préférences, ses aversions et son régime). Il a mis en place un comité de restauration réuni tous les 2 mois associant représentants des usagers, patients et professionnels des services de soins, diététique et restauration avec pour mission de recueillir leur avis et présenter les évolutions des menus, des marchés et des consignes nécessaires à la bonne prises en charge des patients du point de vue de l’alimentation.

 

 

 


Evelyne Woelffle

Responsable du service diététique

Evelyne Woelffle est responsable du service diététique de l’hôpital Emile Roux qui comprend 5 diététiciennes. Avec son équipe, elle intervient sur prescription médicale pour la prise en charge des personnes hospitalisées, dans les situations pathologiques ou de prévention, en lien avec les équipes de soins et la restauration.
La démarche de soin diététique est un processus visant à améliorer la constance et la qualité de la nutrition. Le diagnostic diététique est fixé suite à un bilan initial réalisé à partir d’une enquête alimentaire. Les actions qui en découlent (alimentation adaptée, supplémentation…) sont réévaluées et ajustées dans le cours de l’hospitalisation. Un ultime bilan accompagné de préconisations personnalisées est réalisé au moment de la sortie du patient.