Cancer: A la découverte d’une machine innovante, qui allie IRM et médecine nucléaire, à l’hôpital Henri-Mondor

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Hôpitaux Universitaires Henri Mondor

Cancer: A la découverte d’une machine innovante, qui allie IRM et médecine nucléaire, à l’hôpital Henri-Mondor

Cancer: A la découverte d’une machine innovante, qui allie IRM et médecine nucléaire, à l’hôpital Henri-Mondor

RECHERCHE Depuis deux ans, l’hôpital Henri-Mondor utilise une technologie nouvelle, alliant une IRM et une TEP pour des diagnostics plus précis en cancérologie

  • La médecine nucléaire permet de faire des examens très précis, grâce à des traceurs radioactifs observés par une caméra. Une technique nommée tomographie par émission de positons (TEP).
  • Depuis quelques années, les industriels, Siemens et General Electrics, ont mis au point une nouvelle machine, alliant deux techniques d’imagerie, la TEP et l’IRM.
  • Il existe quatre machines TEP/IRM en France, mais celle de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP) est la seule à être utilisée par les patients, et pas seulement pour la recherche. 20 Minutes a pu la découvrir.

A l’hôpital Henri Mondor (AP-HP), à Créteil (Val-de-Marne), une machine dernière cri souffle ses deux bougies en ce mois de juin. Son petit nom : TEP/IRM, pour tomographie par émission de positons (TEP) et Imagerie par résonance magnétique (IRM). Soit deux techniques d’imagerie mariées dans cet appareil avant-gardiste que 20 Minutes a pu découvrir dans le service de médecine nucléaire, qui utilise la radioactivité pour diagnostiquer et traiter les cancers

Qu’entend-on par médecine nucléaire ?

Pour comprendre en quoi consiste cette technologie, et comment elle pourrait changer la vie de certains patients, il faut tout d’abord comprendre comment la radioactivité peut soigner. Si l’expression « médecine nucléaire » peut faire peur ou sembler antinomique, l’utilisation de la radioactivité n’a en réalité rien de récent. Notamment en cancérologie, où l’on parle souvent de radiothérapie, technique qui vise à irradier les cellules cancéreuses et ainsi à empêcher leur multiplication, tout en épargnant les tissus sains. Mais la radioactivité a également permis à la radiologie de faire un bond immense. Pour le voir, il faut remonter au début du XXe siècle, quand un chimiste hongrois, George de Hevesy, a découvert que l’on pouvait tracer la radioactivité. Puis, en 1934, le couple de chimistes français Frédéric Joliot et Irène Curie, fille de Pierre et Marie Curie, est parvenu à produire de la radioactivité artificielle. Une révolution pour la radiologie, car ces traceurs radioactifs permettent d’ « explorer » l’intérieur du corps humain et de comprendre son métabolisme. Un principe encore en cours aujourd’hui, avec des appareils d’imagerie qui se sont sophistiquées avec le temps.

A quoi sert la TEP ?

Depuis les années 1980, l’examen le plus courant en médecine nucléaire se nomme tomographie par émission de positons (TEP ou PET scan en anglais). On injecte de la matière radioactive, composée d’un radio-isotope et de glucose, dans une veine de la main ou du bras du patient. Cette matière, une fois absorbée par les cellules, va permettre d’observer en 3D et en couleurs comment le corps fonctionne. « Après l’injection du traceur, on met le patient radioactif sous une caméra pour obtenir une cartographie du métabolisme des organes », résume Emmanuel Itti, chef de service de la médecine nucléaire à l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP). On peut ainsi mesurer la consommation de glucose, d’acides aminés, d’acides gras, autant d’informations importantes pour certains cancers.

C’est quoi cette machine TEP/IRM ?

Dans le service de médecine nucléaire, à l'hôpital Henri Mondor (AP-HP), une nouvelle machine, couplant TEP et IRM a pris place en juin 2017.
Dans le service de médecine nucléaire, à l’hôpital Henri Mondor

La grande innovation, c’est que depuis deux ans, cet hôpital utilise une machine, développée par Siemens, qui couple deux techniques d’imagerie : TEP et IRM. En clair, le tube dans lequel on couche le patient qui va passer une IRM contient un gros aimant à l’intérieur duquel se trouve un anneau de détection de médecine nucléaire (TEP). Une véritable prouesse technique, car cet anneau électronique doit être insensible au champ magnétique extrêmement puissant de l’IRM. Afin d’obtenir une image en simultané, à la fois moléculaire avec la TEP et morphologique et fonctionnelle avec l’IRM, plutôt que deux clichés à superposer.

Le défi est donc technologique, mais également organisationnel. Car pour mener à bien ce projet, il faut faire travailler de concert radiologie et médecine nucléaire, qui n’ont pas forcément les mêmes habitudes. « Nous utilisons une machine pour le corps entier, alors que les radiologues travaillent par spécialité, par organe », précise Emmanuel Itti. Qui doit chaque jour jongler avec une contrainte temporelle pour réaliser le planning de l’appareil : « on court perpétuellement après le temps en médecine nucléaire, car il faut faire passer l’examen rapidement une fois que le traceur est injecté. » En effet, la radioactivité décroît très vite : en deux heures, la matière, produite à l’extérieur de l’hôpital et livrée plusieurs fois par jour, perd la moitié de sa radioactivité.

 

En quoi cela pourrait-il révolutionner la cancérologie ?

Ces deux outils se complètent parfaitement : l’IRM donne une image très précise des tissus, la TEP une cartographie du métabolisme. « Sur une IRM ou un scanner, on ne verrait pas cette lésion cancéreuse très petite, mais avec cette technologie nouvelle, on la distingue clairement », démontre Emmanuel Itti en pointant l’image sur son écran.

Emmanuel Itti, chef de service en médecine nucléaire explique comment les images obtenues par cette technologie de pointe sont beaucoup plus précises qu'avec une IRM traditionnelle ou une TEP seule.
Emmanuel Itti, chef de service en médecine nucléaire explique comment les images obtenues par cette technologie de pointe sont beaucoup plus précises qu’avec une IRM traditionnelle ou une TEP seule. – O. Gabriel / 20 Minutes

 

« La TEP seule donne des informations très pertinentes, mais pas infaillibles, complète Alain Luciani, radiologue à Henri-Mondor, qui a porté ce projet avec le Pr Itti. En combinant ces deux examens, on a moins de risque de passer à côté de petites tumeurs et on optimise donc la prise en charge des patients. »

Cette machine innovante permet donc un diagnostic plus précis, plus individualisé, mais présente aussi une piste pour une médecine prédictive. Car elle permettra de suivre au plus près la réponse des patients à leurs traitements. Et donc de les adapter. « Pour des personnes souffrant d’un cancer du foie, on a montré que sur 63 patients qui ont bénéficié d’un examen par la TEP-IRM, on a modifié le traitement dans 21 % des cas », reprend Emmanuel Itti. Surtout, passer par une TEP/IRM, un examen qui dure entre 45 minutes et 1h30, fait gagner du temps au patient. En effet, au lieu de faire deux examens à un mois d’écart, voire davantage, il aura ses résultats en « one-shot ».

Quelles sont les limites ?

Pour le moment, trois hôpitaux franciliens et un lyonnais disposent de cette technologie avant-gardiste, mais seul Henri-Mondor l’utilise avec des patients et non uniquement pour la recherche. « Il va falloir qu’on prouve qu’au niveau économique, c’est un bénéfice », avoue Alain Luciani. En effet, cette machine coûte entre 4 et 5 millions d’euros. Et seulement 2.200 patients (sur les 161.000 patients traités chaque année à Henri-Mondor) ont bénéficié de cet examen dans cet hôpital de Créteil, où l’évaluation médico-économique de cet important investissement est en cours.

« Tous les patients ne pourront pas avoir accès à cette technologie », prévient le radiologue. Mais les porteurs de cet ambitieux projet assurent que pour certains patients, elle pourrait faire la différence. Notamment en cas de lymphomes et de cancer du foie. « Plusieurs hôpitaux sont en train de s’équiper et les premiers résultats montrent qu’il y a une place pour cette nouvelle technologie dans la prise en charge du cancer », s’enthousiasme Emmanuel Itti. Et son collègue radiologue de renchérir : « Cette technique, c’est clairement un investissement coûteux, mais les traitements en cancérologie sont chers aussi, sans compter les hospitalisations, les examens, les effets secondaires… ».

(source 20minutes.fr : article original )